Source: Universities – Science Po in French
Faisons un pas en arrière. L’appel d’Öcalan a interloqué une grande partie de ses auditeurs car il ne mentionnait, en surface, aucune contrepartie : dans le texte, il ne fait pas de demande explicite de reconnaissance des droits kurdes dans la constitution turque ou de libération de prisonniers politiques.
Le communiqué du Comité, lui, a posé des exigences : la dissolution requiert la mise en place par le gouvernement turc d’un cadre légal devant encadrer le processus de paix à venir, ainsi que des garanties juridiques concernant les droits du peuple kurde. Ils exigent également que leur leader dirige ce processus, or Abdullah Öcalan est emprisonné depuis 1999 sur l’île d’Imrali, au large des côtes de la Turquie. Cette condition implique donc a minima une forme d’allègement des conditions de détention, ou bien, dans une interprétation maximaliste, sa libération. Pour l’heure, les discussions tournent plutôt autour d’un placement en résidence surveillée. L’annonce de la dissolution du PKK est donc déclarative et il faut attendre de voir les mesures que prendront le gouvernement et l’assemblée turque pour véritablement parler d’une fin effective de la guérilla.
Côté turc, le président Erdogan a explicitement indiqué que les offensives militaires qui ont lieu au nord de l’Irak, là où se trouvent les combattants du PKK depuis de nombreuses années, se poursuivront tant que la guérilla n’aura pas prouvé sa bonne foi. Le cessez-le-feu reste donc unilatéral pour le moment, même si l’on observe une réduction des hostilités dans les zones de combat.
Un autre point d’interrogation est la question des 5 000 à 6 000 combattants à démobiliser. Que vont-ils devenir ? Leur futur n’est d’ailleurs pas forcément homogène. S’il est possible d’envisager un retour en Turquie pour une partie d’entre eux, les cadres historiques devraient plutôt être accueillis par des pays tiers. Quoi qu’il en soit, il y aura probablement une phase impliquant un passage de ces combattants par des camps de démobilisation en Irak et le dépôt des armes, qui n’est pas encore à l’œuvre aujourd’hui.
Il faudra aussi voir ce qu’il advient, par exemple, des seize maires kurdes destitués depuis les élections municipales de 2024, accusés de “terrorisme”. Quid également des milliers de prisonniers politiques ? Seront-ils relâchés ? A quelle échéance, et sous quelles conditions ? Tous ces éléments donnent à la situation un caractère encore très évasif et ambigu. Il n’est pas impossible, à ce stade, que le PKK se reconstitue si le processus de paix n’avance pas. Cela a déjà été le cas par le passé, notamment en 2004 et 2015.