L’économie mauricienne dépend de la viabilité de ses finances publiques

Source: IMF in French

Par Mariana Colacelli et Felix Simione

le 15 juillet 2025

La viabilité des finances publiques passe par un accroissement des recettes, une réforme des retraites et une plus grande efficience des dépenses

L’île Maurice abritait autrefois un étrange oiseau, incapable de voler : le dodo. Victime des marins qui pratiquaient une chasse non durable, l’espèce a fini par disparaître. Aujourd’hui symbole national, le dodo rappelle l’importance pour l’île d’œuvrer en faveur de la conservation et de la durabilité.  

L’économie aussi est façonnée par l’action humaine, y compris la politique budgétaire. Maurice a de solides antécédents en matière de politique économique, comme l’illustre sa transition d’une nation fondée sur l’agriculture à une économie diversifiée à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. 

Cependant, l’île est aujourd’hui confrontée à des difficultés, dont une dette publique élevée, des besoins considérables d’investissement public, une faible productivité et une population vieillissante. Pour y remédier, il conviendrait de recalibrer la politique budgétaire afin de préserver le dodo d’aujourd’hui : la prospérité économique inclusive. 

Mesures de viabilité des finances publiques

Les autorités mauriciennes ont récemment annoncé leur budget 2025–26, qui privilégie les réformes destinées à soutenir une politique budgétaire viable. Ces réformes visent à accroître les recettes fiscales de plus de 2 % du PIB en 2025–26, tout en réduisant les dépenses publiques de plus de 1 % du PIB sur la même période. Dans l’ensemble, les autorités prévoient de ramener la dette publique de 87 % du PIB en 2024 à 75 % en 2030.  

Notre récent bilan de santé économique annuel de la nation insulaire (rapport des services du FMI au titre de l’article IV et documents de la série des Questions générales) propose des mesures qui permettraient à Maurice de mettre en place une politique budgétaire viable, notamment i) en accroissant la mobilisation des recettes, ii) en réformant le régime de retraite et iii) en rendant les dépenses plus efficientes. Le budget annoncé s’inscrit dans le droit fil de nombre des solutions que nous avons proposées. 

Accroître les recettes budgétaires

Dans un contexte d’exonérations fiscales élevées (elles représentaient 4,6 % du PIB en 2024–25), le nouveau budget vise à supprimer certaines exonérations de TVA et de droits d’accise, par exemple pour la construction, l’immobilier et les véhicules électriques. Le budget prévoit aussi d’abaisser les seuils d’imposition et de lever de nouveaux impôts. La mise en œuvre et l’échelonnement des réformes devraient limiter les éventuelles répercussions négatives sur la croissance économique, tout en protégeant les plus vulnérables.  

Réformer les retraites

Il est possible d’améliorer la viabilité des dépenses de retraite. Les prestations versées aux particuliers dans le cadre du programme Basic Retirement Pension (BRP), dont bénéficient tous les Mauriciens âgés de 60 ans et plus, ont plus que doublé depuis 2019. Outre l’augmentation des prestations, les tensions budgétaires s’accentuent en raison de la hausse relative du nombre de retraités. Avec le vieillissement de la population, Maurice devrait faire face à un doublement du taux de dépendance économique des personnes âgées au cours des trente prochaines années, entraînant une augmentation rapide des dépenses de retraite.  

Maintenir le système actuel impliquerait une importante redistribution des jeunes générations vers les plus âgées, car la population jeune (relativement peu importante) devrait probablement payer des impôts plus élevés pour financer les retraites d’une population plus âgée (plus nombreuse). Pour aider à contenir le coût croissant du BRP, il est possible d’aligner progressivement l’âge d’admissibilité de 60 ans sur l’âge officiel de la retraite, à savoir 65 ans. Compte tenu des tendances démographiques, l’alignement de l’âge d’admissibilité au BRP contribuerait à rendre le système de retraite plus viable, tout en limitant les inégalités intergénérationnelles et en protégeant les plus vulnérables. Le budget annoncé constitue un pas dans cette direction.  

Dépenser de manière efficiente

Il est également possible de rationaliser les transferts budgétaires largement ciblés et régressifs. Dans de nombreux cas, les aides sociales à Maurice bénéficient relativement peu aux pauvres. Par exemple, seuls 11 % des bénéficiaires du programme d’aide sociale sont définis comme pauvres. Le budget annoncé propose de faire des économies en mettant progressivement fin à certaines subventions largement ciblées. Les économies ainsi réalisées contribueront à dégager de la marge budgétaire pour financer des régimes ciblés en faveur des plus vulnérables, tout en rendant la politique budgétaire plus viable.  

Contrairement au dodo, aujourd’hui éteint, l’économie mauricienne continuera de prospérer tant que sa viabilité budgétaire sera assurée. 

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Mariana Colacelli est cheffe de mission du FMI à Maurice et Felix Simione est économiste principal au sein du département Afrique du FMI. 

Le présent article s’appuie sur le rapport des services du FMI pour les consultations de 2025 au titre de l’article IV avec Maurice.